Layers of Fear est un jeu d’horreur psychologique sorti en février 2016. Ce n’est donc pas tout récent, mais dans cette période d’Halloween, le thème est tou choisi. Il met le joueur dans la peau d’un peintre en proie à ses névroses au sein de son immense manoir. Votre objectif : l’aider à achever l’oeuvre de sa vie en bravant les sombres épreuves qui viennent ponctuer son parcours.
La narration d’une errance sans issue
Les bases du jeu se posent dès les premières minutes. Vous ne savez ni qui vous êtes, ni pourquoi vous êtes ici, ni encore ce que vous devez y faire. L’unique possibilité d’en savoir plus : explorer les environs. Car l’on comprend très rapidement qu’il est impossible de sortir du manoir sans en avoir résolu les énigmes et découvert les secrets. Bien que l’on comprend vite que le protagoniste évolue au sein de sa propre maison, la narration est suffisamment subtile pour que le contexte lui-même instaure une atmosphère inquiétante. Le manoir est un vrai labyrinthe, mais la meilleure des cartes ne saurait vous réconforter ; d’ailleurs, vous n’en n’aurez pas, pour la simple et bonne raison qu’elle ne vous serait d’aucune utilité (sans trop vous en dévoiler.) Dans votre exploration des (nombreuses) pièces de la maison, vous serez confronté à des indices, des découvertes, et des révélations qui petit à petit vous mèneront face à vos démons, vous tirant vers l’aliénation, qui se matérialisera sous bien des formes. Amnesia à l’époque exploitait déjà cette dimension explorative et aliénante pour le personnage, et Layers of Fear en reprend aisément les codes. Car au-delà des dangers qui vous guettent un peu partout dans la demeure, c’est aussi la demeure en elle-même qu’il vous faudra braver. L’errance entre ses murs a tout du purgatoire : les pièces n’ont de cesse de se multiplier, et pourtant l’atmosphère se resserre, et devient même étouffante. C’est un huis clos où tout est mort, mais où ce tout semble destiné à pourrir de manière éternelle, foisonnant, se multipliant, évoluant hors du temps et de toute logique. Sur ce point précis, on notera d’ailleurs le superbe usage de la caméra qui vous jouera souvent bien des tours, et vous offrira bien des sueurs froides. Tout sera fait pour que vos repères s’effondrent ; dans la maison, quelque chose souffre, et quelque chose se venge.
L’art comme médium horrifique
Il est presque d’une évidence que ce jeu ne sera pas à mettre entre les mains les plus sensibles. En dehors des jumpscare extrêmement réussis (j’entends par là qu’on ne les devine presque jamais), la peur est occasionnée à chaque coin de mur, chaque porte qui grince et à chaque ampoule qui saute. Vous évoluerez toujours de nuit, et la pluie qui fait rage dehors ajoute à la bande son déjà macabre quelque chose de très oppressant. La tempête qui cogne aux vitres ainsi que le décor global me rappelle d’emblée des récits de Lovecraft, mais surtout Le Portrait Ovale d’Edgar Allan Poe, où les thèmes de l’artiste maudit, du fantastique et de l’amour sont mis en place. Son influence sur Layers of Fear est nette sans être grotesque, sans être trop facile, et est au contraire exploitée à la perfection. L’art pictural sert ici de médium principal à l’horreur, et donne au jeu un véritable cachet graphique, au-delà même de la beauté et de la pluralité (!) des décors. Les tableaux sont au service de la peur. L’effort en matière de contenu est considérable ; les amoureux de peinture hollandaise et du clair-obscur ne pourront que se régaler. Le célèbre procédé de Rembrandt est par ailleurs très fortement utilisé au sein même du jeu, et ne fera que renforcer vos craintes sur ce qui se trame derrière une porte entrouverte ou sur ce qui se cache dans l’ombre devant vous.
Une expérience propre au joueur
Et libre à vous, si le coeur vous en dit, d’ouvrir ces portes ou de les refermer. Layers of Fear a pour gros avantage d’être un jeu à choix multiples. Une fois une porte refermée, vous ne pourrez pas toujours la rouvrir. Parfois au contraire, vous y serez contraints, ou simplement incités. Si toutes les tentations et les curiosités ne seront pas toujours bonnes à suivre, une pièce aura très souvent plus d’un secret à dévoiler, et il vous sera par moments très frustrant de ne pas pouvoir tout faire ni tout choisir. Certaines de vos découvertes comme certaines de vos audaces vous mèneront vers un chemin encore inédit, et de nombreux indices visuels et auditifs vous serviront de tremplins. Attention cependant : certains sont salvateurs, d’autres sont fatals. Mais c’est aussi un des gros plus de Layers of Fear, qui fait du “Game Over” une expérience nouvelle et enrichissante pour le joueur. À la suite de certaines occurrences maléfiques, vous ne serez jamais vraiment convaincu d’avoir fait le bon ou le mauvais choix – hormis, bien évidemment, certains passages clés vous permettant de passer les niveaux. Pour mieux résumer cette idée, finir le jeu ne signifiera pas de l’avoir nécessairement terminé, ou du moins de l’avoir clôturé comme il faut, achevé d’un point final. C’est là la beauté et l’ingéniosité du gameplay : outre votre liberté totale, vous n’aurez jamais le sentiment d’être bloqué ni de vous ennuyer, car absolument tout peut y être exploré, fuit, craint, admiré, ou interprété.
En conclusion, Layers of Fear est un jeu pour les enquêteurs les plus courageux, sensibles à l’art et au fantastique. Il ne nécessite aucune arme ni réelle expérience en matière de survival, si ce n’est une bonne dose de sang-froid. Car la perversion du jeu voudra que tout ce que vous trouverez de rassurant ou de familier se transforme, immédiatement ou presque, en véritable cauchemar. Gare à vous qui pensiez être maître de votre art !
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